vendredi 10 avril 2015

Quid du courage?

Statut : Be Fierce, Have No Fear



Il est 17h au Cours Julien à Marseille. Je bois un café avec Marie, on parle de nos vies, des fleurs et du printemps. A un moment du coin de l'oeil je vois passer une commerçante de l'association pour laquelle je travaille. Et dans sa foulée un jeune homme qui lui glisse la main dans la veste et vole son porte-monnaie.
C'était peut-être un accès de folie, mais je me suis levée, précipitée sur le minot. Je l'ai chopé et lui ai hurlé dessus avec toute la colère d'une Mauricienne en feu. Il a prestement rendu le porte-feuille et a sorti tout aussi vite un opinel (couteau – arme blanche reconnue) qu'il a déplié consciencieusement pour me faire peur. Et ça m'a rendue ivre de rage et je lui ai encore plus hurlé dessus «  QUOI ??? Tu crois que tu vas me planter avec ton couteau ? Range-le ton putain d'opinel ». Il a déguerpi sous le regard de ses chefs (un groupe de jeunes hommes de 17 à 20 ans). Il fallait battre en retraite clairement. J'ai rendu son porte-feuille à Justine, suis partie payer mon verre et le patron du bar m'a félicitée en me disant sur le ton de la plaisanterie qu'il avait besoin d'un mec de la sécurité.
J'ai appelé les flics, les « chefs » sont revenus m'ont vu en train de le faire, ont essayé de m'intimider et voyant que je continuais mon appel sans quitter leurs yeux, se sont barrés. Les flics sont venus ( 20 minutes plus tard) ont négligemment noté mes coordonnées en me disant que j'étais bien courageuse et que plus personne ne faisait ce genre de choses de nos jours. J'ai oublié de demander ma médaille en chocolat.


Je suis fière de moi. Mais je suis désemparée. Je ne pense pas être plus que ça une fille courageuse ou trop téméraire. Peut-être qu'un profond sens de ce qui est juste et ne l'est pas m'anime. A cette terrasse nous étions une cinquantaine et pas une seule personne ne s'est levée pour m'épauler. Pas un homme, pas une femme. Personne. Est-ce que je suis folle de m'être levée ? Est-ce que je suis folle de ne pas avoir toléré un tel acte flagrant en plein jour ? Est-ce que c'était normal qu'en voyant sortir un opinel personne ne bouge ? Et même pour l'acte en lui-même venir m'aider à appréhender le minot et ne pas se comporter comme si c'était normal de voler et d'être agressif avec un autre individu ?

Je repense aux histoires des agressions du métro, des femmes qu'on viole sous les yeux « tétanisés » des autres. Il n'y a pas de tétanisme. Il y a juste un putain de gros individualisme qui vrille cette civilisation qui ne se mouille plus, qui ne s'engage plus, qui ne pète plus de câble.
On débat derrière des écrans et on se sauve devant le conflit. Peut-être que c'est une différence culturelle, qu'à Maurice je pense que les gens se seraient précipités à coups de savate pour dégommer le minot, pour lui dire STOP.

Il n'y a pas d'excuse au désengagement qui à mes yeux frise la lâcheté. Que ce soit de la part des hommes ou des femmes. Un bisou au petit Mathéo 8 ans qui sur sa trottinette est venu voir si ça allait et m'a dit « Ah non ! Ça ne se fait pas de se comporter comme ça, j'espère que les policiers vont arriver. Je reste avec vous ». Il y a encore de l'espoir ?

Pour la première fois en 8 ans en France et 7 ans à Marseille, j'ai eu peur et me suis retournée 6 fois en rentrant prendre le bus. Je n'aime pas avoir peur. Surtout pas quand j'ai fait quelque chose de juste. Ca ne doit pas s'arrêter là, arrêtons de nous planquer, agissons collectivement.




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